dimanche 28 septembre 2008

Cours Forrest, cours !

C’est l’une des citations qui constituent mon étonnante culture cinématographique. Celle qui me fait si souvent défaut au Trivial Pursuit, lorsque je reste impuissant à obtenir ce dernier camembert rose. La fable était simple et pourtant si étonnamment vraie, une exhortation à se laisser porter par les hasards d’une vie, à prendre chaque décision suivant son instinct, pour peu que les vraies valeurs inculquées par notre chère maman soient respectées. Comme Yves par exemple, qui a laissé parler son cœur. Tenant à la plus belle croix de sa vie bien plus qu’il ne tient les prises de LaCuvette, il est parti convolé en noces de diamant, à l’autre bout du monde. A contrario, gardons un minimum de bon sens, pas comme Sylvain qui s’est lancé à corps perdu et en secret dans l’aventure du Proba et du BE… prenant de court le reste de LaCuvette, qui aurait pourtant pu parfaire sa préparation, en le contraignant à enchainer quelques uns des mythes locaux comme L’arme à l’œil 7b ou le Poulpe 7b+ à Espace Comboire, au lieu de le laisser dérouler dans les 6c d’Arche ou crève, ou de Tol story aux Vouillants !!

Pour rattraper le temps perdu, de son propre chef, il s’est mis au défis d’enchainer la bouse qu’il faut pourtant faire, au Mas d’Auris, Strapper francais, 7a+ d’un autre temps, court, explosif, désagréable, aléatoire et douloureux.
Pour le mettre en condition et le confronter aux réalités de sa future vocation, nous le laissions organiser la session, préparer puis porter les sacs, allant même jusqu’à lui demander de nous lacer les chaussons et à exiger de se faire prendre en photo en T-shirt – bonnet parce qu’on est jeune et qu’on se la pête. Bruno pouvait enfin redécouvrir le site du Mas d’Auris,
en randonnant le très beau Big little man 7a (enfin… seulement depuis que le 6c+ n’existe plus…),
puis en visitant les mouvements techniques sur croutes d’Harlem delire 7b+ et ceux plus physiques du Rebelle bleu, 7b+ pour lequel j’avais pris soin de respecter l’esprit du site en éloignant le relais. J’en profitais pour prendre le temps d’essayer puis d’enchainer Délire au Harem, 7b+ aussi, la variante d’Harlem Délire , mais avec maintenant une vraie sortie esthétique sur un très joli petit pilier. Variante FA-tée il y a déjà 1 an, par l’inévitable racleur Schnappi, sans laisser le temps à mon perfo de refroidir, pour une voie majeure et incontournable, qui l’est encore plus maintenant.

Maman disait toujours "Il faut laisser le passé derrière soi si on veut avancer", c’est bien ce qu’a dû hurler François, lorsqu’il a vu son jeune padawan Iaki parfaitement négocier le jeté de travers puis la section physique sur règles du gros 7b+ d’Huile de coude à Autoire, avant de commencer à dépasser le point suivant et de soudain se mettre à gamberger : "je clippe quand même… avec l’inverse ? avec le mauvais bi ?" tout ça pour finir, dans le doute, par foirer son essai…là où pourtant, "on ne peut plus tomber".
Maman disait aussi que "la vie, c'est comme une boîte de chocolat : on ne sait jamais sur quoi on va tomber". L’essentiel étant bien sur de commencer par déjà se réjouir d’avoir la chance de disposer d’une boite pleine de chocolat, pensant au plaisir de sentir fondre la couche de gianduja délicatement enrobé d’un croquant teinté d’une pointe d’amerture. C’est le travers du luxe de notre modernité, le simple fait de disposer de plus de falaises qu’il n’en faut, aurait du suffire…non conscients de cette faveur du destin, certains se mettent martel en tête pour aller déséquiper une grande voie moderne, trop proche d’itinéraires historiques, que d’autres avaient précipitamment garnie de spits et de prises taillées… Sans cautionner ni l’une ni l’autre de ces pratiques, on ne peut que s’interroger sur les motivations des deux protagonistes. Mais si ce ne sont là que les seuls arias de leur existence, on ne peut que se réjouir que rien de plus grave ne leur soit arrivé (pour les curieux, à lire ici, en choisissant la voie en long en large et en travers au rocher du midi…)
Le problème de la boite de chocolat, c’est l’opulence du choix, de la variété. De mon coté, j’ai résolument trouvé la solution, en laissant ma boulimie légendaire prendre les choses en main et engloutir d’une traite le contenu entier de la boite. Trop de choix finalement induit le doute, jusqu’à même laisser planer la suspicion, hantant les nuits des privilégiés. Comme Franck qui lit et relit les critiques, cherche le moindre avis et scrute vétilleusement les pieds du moindre grimpeur croisé à Planet Bloc. Alors que s’il n’y avait qu’eb, cela ferait déjà plus d’un mois qu’il arborerait une nouvelle paire de Wolverines, lui permettant d’exploser son niveau. Niveau qui, malgré ses sabots jaunes, se confirme à 6b bloc avec un beau combat dans le la belle envolée de Nébuchad Nezzar 6b à La Chapelle (de Rioupéroux, bien sur !!).
Idem pour Emilie, qui à force d’hésiter entre un nouveau crash pab rose et un autre aux motifs plus tendance, tarde à me léguer l’ancien, le sale, moche et rapiecé.
Tel le sésame, ce dernier m’eviterait de me démonter le coccyx, lorsque, buvant les paroles du grand Foué , "Grimper tout seul à Rioup, c’est beau", je perds tout sens des réalités. Comme ce vendredi, à l’heure où j’aurais dû être en train de frénétiquement remuer ma touillette à café pour diluer les 5 sucres indispensables pour lutter contre l’hypoglycémie post déjeuner du jeune (si, si) cadre dynamique, je me retrouvais seul, à l’ancienne, sans crash ni pareur, sous une bruinasse bretonne, et pour à peine une 1h de répit, sur le bloc de l’Oisans, au secteur Centre ville de Rioupéroux. Quelques essais pour un bonheur simple, comme celui de croquer le premier chocolat de la boite. La traversée de l’Oisans, simple peut être, mais surtout premier 6c+ bloc, long de 20 mouvements variés, entre platasses, talons, pointes et règles. Avec un crux en plein milieu, pour passer l’angle, où il m’a fallu toute la patience et la sagesse apprise de Francois pour travailler cette préhension, cette pince saisit une première fois qu’il m’a fallu retourné, coinçant la paume de la main d’un coté de l’angle et l’index et le majeur de l’autre, le tout coordonné avec une pointe salvatrice pour éviter le balan et me propulser vers la petite règle et basculer vers la partie finale moins soutenue. Pour prolonger le plaisir, laisser fondre doucement le chocolat pour que se révélent tous les arômes, je terminais par l’éternelle leçon d’humilité dans le 6c historique de La grange, où, contre toute attente je parvins à amorcer le jeté, allant même jusqu’à toucher la prise d’arrivée !!
Comme indiqué dans le préface de l’excellent recueil de recette tronant dans ma cuisine "le chocolat plonge des êtres par ailleurs normaux dans d'étranges états extatiques"…ce doit être surement pour démultiplier cet effet que j’en trimballe toujours un tablette au pied des falaises…

lundi 22 septembre 2008

Une derniere goutte

Acte deux, après les confidences de François, hommage à la seconde roue du carrosse, la deuxième boule de la paire, le deuxième géniteur protecteur et bienveillant, l'autre maitre à penser de LaCuvette. L’ensemble de son œuvre a, depuis longtemps, dépassé les frontières du pays Cuvettard. Et son récent tour du monde ne l'a finalement pas conduit ailleurs...qu'ici.
Il éprouve même encore plus de plaisir à retrouver ses sources, ses racines, ses premiers amours, comme ces lieux paisibles et confidentiels que sont Voreppe, Roger Cageot et Narbonne ou ces secteurs plus renommés, reconnus, fréquentés, voir parfois décriés comme le Mur de l’Angoisse aux Vouillants, La DJ et les sites Vertacos de Presles.
Tribune libre, bien qu'un peu orientée par l’esprit tortueux et les questions perverses de LaCuvette, à Ludo Pin, pour peut-être comprendre, réfléchir, s’interroger, applaudir, réagir, critiquer, s’enrichir... mais aussi et surtout, pour partager cette même passion pour nos falaises fragiles, celles pour qui l’on se doit tous d’être des gardiens responsables et engagés.
Pourquoi équipes-tu ?
Pour le plaisir de la découverte et de la création. Et cela durera tant que je ne connaîtrais ni handicap, ni manque de temps libre, ni déménagement dans un plat pays, ni tout simplement le fait que ça ne m'intéresse plus : va savoir de quoi l'avenir sera fait…
Pour qui équipes-tu ?
Pour moi essentiellement, et tant mieux s'il y a des gens qui apprécient mes voies et en profitent. Pour eux, il m’est même arrivé d’améliorer un pas morpho, dans une voie bricolée par ailleurs, que les plus petits que moi ne pouvaient pas faire: ça a payé, la voie est devenue une classique. Je ne suis donc peut-être pas totalement égoïste…
Qu’est ce que tu équipes ?
J'équipe tout ce qui traîne et qui ne fout pas la merde. Mais surtout sur les sites qui me plaisent. Tout m'intéresse: le court, le long, le naturel, le bidouillé,…que se soit du "dur" ou du "facile", même si je préfère que ce soit suffisamment dur pour mon niveau et que je passe du temps à essayer de la faire. En général, vu les sites, ce n'est pas du "trop facile’’ !
Et...qu’est ce que tu n’équiperais pas ?
J'essaie désormais de ne pas équiper la "voie de trop", celle qui rend le site surexploité et illisible. Je l'ai déjà fait par le passé et j'en ai même déséquipé certaines…. Ce critère étant tout relatif: certains considèrent que l'on a atteint la voie de trop bien avant moi…
Tes voies sont-elles "reconnaissables" ?
Certains te diront que mes voies se caractérisent par des "bi taillés"… ils n'ont pas totalement tort car je ne rechigne pas à bricoler "quand il faut", et j'aime cette préhension !! Mais ils oublient que j'ai équipé plus de voies TOTALEMENT naturelles dont on parle beaucoup moins. C'est comme à la télé: c'est le côté obscur qui fascine les gens… Sinon j'aime le travail "bien fait", ce qui est bien sûr subjectif, j'essaie de '’livrer" mes voies aussi propres que possible.
Je regrette aussi toutes les bouses que j'ai bricolées de façon inconsidérée et sans expérience, et il y en a pas mal ! Mais il faut bien que jeunesse se passe, alors…
Puisque tu t’aventures sur ce terrain glissant, quelles règles te donnes-tu ?
Comme je te l’ai déjà dit, j'équipe pour moi, mais je fais attention à respecter les utilisateurs et les autres équipeurs du site…ça c'est la théorie, en pratique la compulsion me fait parfois dépasser les bornes…. Ce plaisir égoïste profite néanmoins à beaucoup de monde, et c'est en contre partie de mon labeur, qui peut être grand pour certaines voies, que je dispose d'une certaine liberté d'action : engagement, bidouille, nom de la voie….
Pour l’équipement à proprement parlé, une voie bien équipée: c'est quand on ne s'en aperçoit pas… Mal équipée: c'est quand on risque des chutes vraiment dangereuses ou que l'itinéraire a été forcé mais que tout le monde grimpe en dehors de la ligne, ça n'a plus d'intérêt.
Concernant le rééquipement, l'idée est de respecter l'équipement d'origine en rectifiant les choses qui ne sont plus tolérées dans un site sportif, comme des points inclippables ou un chute dangereuse.
Je n'ai déséquipé que des voies à moi, celles de trop, ou des voies devenues dangereuses du fait de blocs instables…
J’ai aussi rebouché des prises que j'avais taillées et qui finalement n'étaient pas indispensables et que je n'avais donc pas utilisées, et cela avant les premières répétitions. Pour "Devil's tong" (ndlr, 8b+) à Tina Dalle et toute la polémique qui va avec: je ne sais pas s'il fallait reboucher les prises taillées ou non. Je laisse Erwan seul avec sa conscience, même si je lui avais donné mon "autorisation" pour les reboucher, ce qui est sûr c'est que je n'aurais pas dû les tailler ! Mea culpa…

Hérésie 8b+, Pierrot Beach

Justement, tailler, un mal pour un bien ?
C'est une arme à double tranchant: tu peux réussir à créer des voies classes à des endroits où ça ne serait pas possible de grimper autrement, et ça augmente le potentiel de grimpe. Mais tu peux aussi faire des bouses ou massacrer un projet qui aurait pu faire sans tailler. Alors, à mon sens, il n'y pas de réponse. Chacun voit avec sa conscience et les coutumes locales ou les contraintes géographiques : plus ou moins de sites, environnement…
Et toutes ces connexions, prolongations et variantes, progrès ou dérive ?
C'est comme pour la taille, il y a un revers de la médaille : d'un côté tu augmentes le potentiel, et c'est cool quand tu as tout fait dans ton niveau ou qu'il y a peu de caillou. D'un autre côté tu prends le risque de rendre le site illisible ou de lui faire perdre du cachet de part la densification des points comme au Mas d'Oris…. Dans presque tous les sites on pourrait rajouter un point entre chaque voie et faire des connexions dans tous les sens, mais force est de constater que ça ne ressemble plus à rien et que ça ne plaît globalement pas. Alors il vaut mieux s'abstenir parfois, même si ça nous coûte de faire taire notre boulimie…
Ces règles s’appliquent-elles à tous ?
La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres… Après chacun fait ce qu'il veut mais si tu te mets tout le monde à dos, c'est que tu t'égares… L'essentiel c'est le respect et la concertation. Concernant la cuvette, les critiques et les franc tireurs devraient venir s'exprimer aux réunions du comité départementale Isère de la FFME (CD 38), qui est très actif et très ouvert, ce qui est rare, et donc une chance dont il faut profiter !
Equiper c'est une question de feeling. Mais ce qui est normal pour tout grimpeur responsable, et il n'y en a pas tant, c'est d'avoir conscience du travail effectué par les équipeurs, mais aussi par les médiateurs comme Arnaud Becker au CD 38, et de le respecter. Cela induit respecter les riverains, les accès, les interdits… Arrêter de dire de la merde sur n'importe qui pour n'importe quoi… Respecter aussi les autres grimpeurs en arrêtant de gueuler parce qu'on rate sa voie, brosser les prises,…etc…
Il n’y a pas d’éthique unique alors ?
Je reprendrais les propos d'un grimpeur américain, Matt Segal , que j'ai lu dans Climbing: "la pratique va du tout noir : équiper du haut en taillant les prises, au tout blanc : grimper à vue, en solo, pieds nus, sans magnésie: zéro impact. Entre les deux, on est tous gris". Chacun fait ce qu'il veut tant qu'il ne dépasse pas le cadre d'un certain consensus local, qui est à définir et à faire évoluer avec le temps.
Ni de grande famille de l’escalade ?
Il n’y a pas de grande famille dans la grimpe, plutôt de "tribus" évoluant en général sur les mêmes sites. Les équipeurs étant peu nombreux ils se connaissent souvent tous. Il peut y avoir entre potes quelques bons vieux "tirage de bourre" pour essayer de gratter un max de lignes ou un sain esprit de partage: ça dépend de la tribu…
Les grimpeurs sont une frange de la population comme une autre: il y en a avec qui tu peux t'entendre et d'autres qui te casseront les couilles. Il y en a qui respecteront les "règles et usages" et d'autres qui feront n'importe quoi au point de conduire à des interdictions de site. Ca c'est très décevant en tant qu'équipeur, quand tu a trimé sur un site qui se voit interdire parce que trois couillons sont passer par le mauvais accès - plus court évidement…(ndlr : comme le secteur de la Piscine, respectez l'accès par la gauche, plus long mais toléré !)

La dernière croisade 8a+, DJ Face


Ca se modifie une voie d’un autre pour l’éthique ?
J'espère que ça n'arrivera jamais sans une concertation et un accord préalable. Si on me demande de changer un truc foireux, je le fais en général moi-même car j'aime bien maîtriser le résultat.
Il y a néanmoins cette anecdote sur Seb R. qui a taillé un mono infâme à côté d'une prise taillée, éternellement mouillée pour pouvoir faire une de mes voies à Roger Cageot. Il me l'a dit après coup en me jurant qu'il reboucherait son mono. Personnellement j'avais fais la voie avec la prise mouillée, ça faisait donc quelque part partie de la difficulté, mais comme c'était son délire de la faire avec sa prise perso et face au fait accompli je l'avais exceptionnellement absous. Le problème c'est que le mono, horrible au demeurant, y est toujours, et ça la fout mal pour un membre du tout nouveau C.A.T (ndlr : Comité Anti-Taille…). On a le droit d'évoluer bien sûr, mais je ne peux m'empêcher de rigoler…
C'est un super pote et tout ça ne va pas bien loin, mais il faut se méfier de ce genre de dérive: ce n'est pas parce que des voies sont toutes bricolées, comme à Roger Cageot, qu'on peut les retailler à sa guise quand on y arrive pas.
Et c'est pareil pour moi à Tina Dalle: je n'aurais pas du tailler dans Devil's Tong, même si pour ma défense la voie n'avait jamais été faite et que mon intervention en a fait un 8b+ "classique"
Egaré humanum est… Elle est de François celle-là…
Ca te plait ces rallonges qui trainent dans tes voies ?
Ca m'oblige à monter les enlever, mais comme ce sont des voies à moi ça me fait plaisir de les refaire…Cela étant, je les enlève aussi dans les autres voies, sauf si c'est l'équipeur qui les a mises. A mon avis, si tu veux mettre une chasse d'eau pour faire une voie, il n'y a pas de problème tant que tu l'enlèves après coup, je l'ai fait plein de fois. Le problème d'une chasse d'eau à demeure, c'est qu'on modifie l'équipement, c'est comme rajouter un point finalement. Et donc personne ne peut essayer la voie comme elle a été équipée. Les mono-neurones de service me diront "t'as qu'à pas les clipper!", mais comment savoir dans un essai à vue s'il s'agit de rallonges mises en place par l'équipeur sur des points mal placés et donc inclippables ou des 'biscuits" pour ceux qui se chient?
Faut-il conserver des voies ou des falaises en l’état pour l’histoire ?
Si on parle de grandes voies c'est l'éternel débat terrain d'aventure/réequipement, et à mon avis les deux peuvent cohabiter: c'est juste une question de concertation.
Pour les couennes sportives il est important de garder les cotations, pour qu'elles puissent servir de références et éviter l'inflation, et l'engagement, qui a tendance à disparaître. Il serait dommage que toutes les voies se ressemblent désormais, c'est comme pour la bio diversité !
En revanche la vétusté de l'équipement me paraît trop risquée au regard du nombre croissant de pratiquants dont beaucoup n'ont pas de recul là-dessus, même si le témoignage historique est intéressant, on ne va pas envoyer des inconscients au casse-pipe…

Les chaleurs de Corinne 7a, St Egrève

Revenons à du plus concret, qu’est qu’une voie majeure ?
Dur à dire, il y a tant de raisons différentes qui peuvent faire une voie majeure: la beauté ou l'originalité des mouvements, la situation géographique comme l’isolement, le gaz, la qualité du rocher et des prises, l'homogénéité tout autant que le côté bloc aléatoire,... C'est encore mieux quand c'est naturel, mais il y a des voies bidouillées majeures aussi.
Une belle ligne c'est avant tout un profil et des couleurs: le top étant Biographie ou La Chiquette du Grâal par exemple. Plus près de chez nous: les dalles des Lames, plus "Je grimpe…" bien sûr, Fading Light à Voreppe, Envoyez les Violons à Espace (ndlr : et ben oui…au moins une...), La dernière croisade ou Chat noir, chat blanc à la DJ, Home sweet home et La fin justifie les moyens à Pierrot Beach…
Puisqu’on y vient, y’a-t-il une falaise idéale ?
Objectivement, de part la qualité et la quantité des voies de tout niveau, je dirais que Céüse, Buoux, le Tarn, le Verdon ou les Calanques sont "presque" parfaites : presque, car il y a toujours à redire comme par exemple la sur-fréquentation, la patine, la marche d'approche,... Alors la falaise idéale pour moi, c'est là où je me sens bien. Disons qu'avec la DJ je ne suis jamais déçu…(ndlr…nous non plus !!)
Et il y en a plein de voies idéales, mais personnellement j'aime les trucs assez complexes et techniques, comme Endymion à Russan, tout autant que les grandes envolées de rési/conti type Rodellar ou Monsant. De toute façon les meilleurs souvenirs de voies restent liés au moment : un méga combat, une super journée passée en présence de ta copine ou de tes potes, un voyage, un dernier essai à la tombée de la nuit…
De quoi es-tu le plus fier ?
J'essaie de ne plus être trop fier, mais il y a sûrement de la fierté là dedans… Néanmoins ce qui me satisfait le plus c'est d'avoir développé des secteurs entiers par moi-même comme La Grande Arche à la DJ, Ludo's beach à Comboire et la partie de droite du Mur de l'Angoisse.
Qu’est ce que tu ressens en grimpant tes voies ?
Ce que j'adore c'est découvrir les méthodes, comparer ce qui est possible à ce que j'avais imaginé en équipant. Toucher les premières prises avant qu'elles n'aient de la magnésie, découvrir un territoire inconnu… Bref, ça reste souvent meilleur que faire une répétition, mais pas toujours: je préfère parfois faire une voie majeure que je n'ai pas équipée qu'une bouse à moi… même si je trouve toujours un intérêt à faire cette dernière, ne serait-ce parce que je l'ai équipée, et qu'en général ça rime avec pas mal de labeur…
Ce n'est pas essentiel de faire la FA, si il y a des gars plus forts pour les faire plus vite, il n'y a pas de problème (ndlr : mais ça n’arrive…jamais !!)

De Profundis 8b, La bastille

C’est important les cotations ?
Très important. Une cotation juste te permet de bien choisir ta voie, pour un à vue comme pour un chantier. Sous coté c'est le traquenard, surcoté c'est décevant. Et pour ceux, nombreux, qui comme moi grimpent pour le challenge c'est important de savoir ce que tu as réussi quand tu es à ton max. Au delà de ça si je me mets un gros combat pour faire une voie bien plus facile que mon niveau max, je suis content quand même: ça me plaît toujours, même si ce n'est "que du 7" par exemple.
Une belle croix, ça peut être autant à vue qu'après travail, mais ça doit être à l'arrache complet ! Tout le plaisir du zéro_marge.com…
Et le nom de tes voies ?
Essentiel, même si j'ai conscience que la plupart du temps mes noms ne parlent qu'à moi…mais comme j'équipe pour moi…. Je ne saurai d'ailleurs expliquer pourquoi : cela fait peut-être partie du plaisir de la création? J'ai toute une liste d'avance, mais au dernier moment je trouve le plus souvent un truc nouveau en rapport avec mon vécu du moment. Ce que tout le monde est à même de comprendre ce sont les jeux de mots gratuits, et ça tombe bien j'adore ça, comme François qui m'en a suggéré plein, notamment les plus "hardcore" dont j'ai fait toute une thématique à Russan : Vice de pute, Orifice prodigue, Gros sexe non désiré,… ou encore "Message sublime anal" à Voreppe et "Sodomissile fixe" à Fontaine.
Il y a aussi beaucoup de noms de livres, de chansons, ou de films qui m'ont marqués ou tout simplement qui "sonnent" bien, parfois retravaillés par quelque subtil jeu de mots….
Equiper est-ce aussi une quête de reconnaissance ?
Pour moi c'est avant tout une démarche personnelle, mais quand la reconnaissance te rattrape il est difficile d'y être insensible… Certains équipeurs sont mégalos, mais il y en a de très discrets qui abattent un boulot de titan sans la ramener.
J'imagine que certains équipeurs aiment être cités par besoin de reconnaissance. Personnellement ça m'est indifférent. Quand je lis un topo, dans un premier temps je ne regarde jamais le nom de l’équipeur : seule la voie m'intéresse. Par la suite, si c'est, par exemple, sur nul ou top majeur, il m'arrive de vouloir savoir.
Sinon, quand on critique mes voies, si c’est constructif et que ça me permet de m'améliorer j'apprécie. Quand ce n'est que de la bave de pseudo intégriste qui n'en branle pas une je m'en contre fous… personne ne les oblige à aller dans mes voies. Quand il s'agit de compliments c'est encourageant.
A mon sens on ne mérite pas de considérations particulières car on se fait plaisir et personne ne nous oblige…peut être juste un peu de respect, une fois de plus, et plus d'aide matérielle dans certains cas, mais on est plutôt bien loti en Isère, alors que dans d'autres départements c'est la dèche…
Une falaise ou une voie appartiennent-elles aux équipeurs ?
Jamais. Tout ce qui lui appartient c'est sa liberté d'équiper la voie comme il l'entend et d'en profiter en premier s'il le désire.
Après les premières répétitions c'est du domaine publique, même s'il se retrouve souvent à faire le "service après vente": recoller une prise cassée, changer un point foireux,… car pour critiquer il y a du monde, mais pour effectuer l'entretien beaucoup moins !
Equiper est-ce aussi contraindre la grimpe des autres ?
Il y a certaines lignes évidentes où la grimpe restera la même quel que soit l'équipeur, à part l'engagement, s'il est possible. Par contre quand l'itinéraire est plus complexe c'est toi qui décide, dans le cadre de ta liberté d'équipeur de fixer une seule possibilité parmi plusieurs potentielles. Je ne considère pas les grimpeurs comme "contraints" pour autant: ils peuvent toujours aller faire une pétanque au lieu de grimper!

Du 8a, encore, à Margalef

Tu ne connaitrais pas un certain Francois ?
On bossait ensemble comme BE escalade à l'UCPA dans les Calanques en 1993 et non 1992 comme a pu le dire François… mais François est plus vieux: il n'a plus toute sa tête….
A partir de 1994-95, après que nous fûmes devenus très bon amis, François déménageait chaque année d'une ville du sud à l'autre, Marseille, Nice, Toulon, Montpellier, Avignon, et moi je venais squatter tout l'hiver ou presque, pour écumer les meilleurs spots du coin. Le meilleur étant lorsque je suis resté trois mois d'affilée chez lui à Pouzillhac sans rentrer chez moi: je faisais partie de la famille! A l'arrivée de sa fille, je fus réduit à devoir dormir sous le pan: mais comme j'avais grandement participé à la construction de celui-ci, j'étais un peu chez moi…
Quand nous n'arrivions décidemment pas à nous mettre d'accord sur le site où nous irions grimper, on fonctionnait en alternance: je l'assurais une journée dans son projet, et le lendemain il venait m'assurer dans la falaise de mon choix, et ça, c'est le luxe de ceux qui ont neuf mois de vacances par an…
Les grandes discussions philosophiques sur la nature humaine et la psychologie qui nous emmenaient jusqu'au firmament de la pensée éthérée, pour se retrouver dès le lendemain fin énervés à brailler parce qu’on n’arrivait pas à enchaîner nos projets…
Les idées à François: mettre un matelas dans le trou de repos de "Consensus" au Cimaï pour ne pas se faire mal au pied… Moi, pendu au milieu du "Bilboqueur" à la grotte de l'Ours un chalumeau à la main pour lui sécher une prise clé au dernier moment pendant qu'il tapait un run assuré par un quelconque polonais de passage!... Piquer un bateau à Sormiou pour aller naviguer après le boulot et tomber sur le proprio en rentrant…
Le plus grand pétage de plomb: François qui ne me supporte plus alors que nous sommes en trip sur la Costa Blanca espagnole…mais j'étais bien chiant il faut dire…et qui rentre en stop depuis Alicante jusqu'à Montpellier!
Et pour finir, que souhaites tu à LaCuvette et son microcosme ?
Je souhaite de continuer à trouver dans ce blog la même auto dérision, ainsi que le style inégalable de Maître Yush pour nous donner du plaisir à lire des histoires sur des gars que je ne connais même pas tous, mais qui deviennent des figures mythiques à travers sa prose exubérante… et je souhaite à cet attachant microcosme de garder sa motivation hors pair pour aller au Mur de l'Angoisse sous la neige ou à la DJ en décembre à l'heure où la France, qui pourtant se lève tôt, dort encore… Bonne grimpe, et au plaisir de lire vos exploits sur le meilleur blog qui soit!


Pris en flag...

Merci Ludo pour ces dernières politesses, comme pour ces quelques mots, mais aussi et surtout pour toutes ces voies, tous ces secteurs entiers, pour lesquels il nous faudra encore de nombreuses vies avant d’en entrapercevoir peut-être un jour la fin…

mercredi 17 septembre 2008

La goutte d'eau

Hier, ce fut la goutte d’eau qui allait faire déborder LaCuvette…10000ème visites !!!!!
Comme dans un projet bien calé, lorsqu’on engage le mouvement tant répété mais jamais réussi dans l’enchainement, et que, sans finalement rien sentir, nous voilà déjà sur la prise suivante, dépassant le crux sans s’en apercevoir, tout allant si vite…Nous y voilà donc, une visite en plus, pour un simple chiffre, tout rond, symbolique peut être, encourageant surement…peut-être marque-t-il l’assiduité des fidèles, les errances des curieux, égarés de la toile, le harcèlement psychotique et quotidien de Monsieur eb et du Planete Bloc Master ou, et je l’espère, les clics compulsifs de locaux acharnés. Serait-ce pour continuer à vous abreuver de propos futiles et récurrents, d’allusions lourdes d’une autre époque, de névroses obsessionnelles sans intérêt, d’états d’âmes désuets et puérils, sans oublier les piètres exploits d’un team "qui n’en veut" et dont l’efficacité laisse parfois (souvent ?) à désirer.
Quelques soient nos références, l’origine des grandes civilisations repose souvent sur les épaules de deux êtres d’exception. Que ce soit Adam et Eve, nos ancêtres communs, les tribulations des hautes instances policières avec Starsky et Hutch , Rome, avec Remus et Romulus, la révolution de l’aérobic, avec Véronique et Davina, Castor et Pollux pour les Argonautes, les gardiens du Fort passepartout et passetemps ou encore le mythe de la culture télévisuelle que sont Charly et Lulu. LaCuvette n’échappe pas à la règle avec son couple de géniteurs. Suivant la source, leur rencontre remonterait à des temps immémoriaux, situés entre 1992 et 1993, du temps bénit des BE peu nombreux et tout puissants, dans les Calanques. Lacuvette profite donc de l’évènement pour offrir une tribune libre à ses deux vénérés pères, au travers de deux interview/portraits centrés sur leurs visions de l'équipement, à lire, relire, intégrer, décortiquer, ruminer, digérer et pourquoi pas, méditer.

Honneur à la sagesse du poids des années avec Francois Tournois, celui par qui tout a commencé, celui dont la rencontre a, à jamais, changé nos vies. Le second, c’est un travailleur de l’ombre, celui sans qui nos falaises seraient pauvres, tristes et sans saveur, celui qui rend possible tous les récits de LaCuvette par sa boulimie d’équipement de nouvelles voies, celles qui occupent et occuperont encore longtemps nos séances : Ludo Pin...celui sans qui la DJ Face par exemple, repère incontournable des affamées masochistes locaux, ne serait pas…


Premier acte aujourd’hui avec François, suivi très prochainement par Ludo……

Pourquoi équipes-tu ?
J'éprouve autant de plaisir à grimper qu’à équiper, et puis je n'ai pas le choix ! (ndlr : c’est le triste apanage de ceux qui ont déjà tout fait…). J’aime dénicher des lignes tordues qui restent à ouvrir, dans des falaises où les lignes évidentes ont déjà équipées. Ca m'a obligé à affiner mon regard et ca m'a fait énormément progresser en technique et en recherche de mouvements complexes, voir retords. C’est ce que j’apprécie le plus dans le ‘’après travail’’, par rapport au ‘’à vue’’ : il n'y a pas grand chose de plus jouissif que de réussir à sortir des mouvements improbables, au prix de longues heures de recherche et de patience !!

Britney Spears dessus, 8a+, Autoire

Pour qui équipes-tu ?
En premier lieu pour moi ! Mais aussi pour les autres, c’est pour cela que j’indique la cotation au pied de la voie, dès quelle est réalisée, en attendant la sortie d'un prochain topo. Pour les autres d’ailleurs, il m’est arrivé de modifier une voie après l’avoir enchainée, simplement pour qu’un pote puisse la faire et rentrer ses gros doigts dans une prise taillée… depuis, il a arrêté, mais j’espère que ce n’est pas pour ça !!!
J’essaie de coter honnêtement, par rapport à mon expérience, même si tout ça est aléatoire, ce n’est qu’une indication.. Mais heureusement, de temps à autres, je vais jeter un œil ailleurs, pour comparer !
Qu’est ce que tu équipes ?
J'équipe plutôt du dur (ndlr : voir très dur !) et du moyen, car je sais que Patrick et Sosso s'occuperont du reste ! J’équipe de préférence des voies courtes, en gros dévers, techniques voir vicieuses dans le sens où j’adore que les méthodes soient quasiment impossibles à vue. J’aime aussi un crux en bas, de la rési ensuite, sans oublier la dose d’engagement qui va bien.
Je fais aussi attention à la beauté de la ligne, une ligne évidente avec de belles couleurs et un beau profil…mais tant pis si elle n’est pas aussi belle à grimper ! Ce qui est primordial pour moi, c’est qu’une voie apporte quelque chose de nouveau!
Il y a des falaises idéales comme Russan, Autoire, Rouquette, Espace Comboire (ndlr : fallait bien caresser Lacuvette dans le sens du poil…), Couyrac, mais elles n'ont jamais assez de potentiel…
Qu’est ce que tu n’équipes pas ?
Des grandes voies interminables…à la Ludo quoi !! Et plus généralement des lignes forcées par l'emplacement des points, des lignes dangereuses ou des voies qui peuvent se faire avec des coinceurs.
J’arrêterai peut-être d’équiper le jour où l’on me payera pour ça ou alors le jour où il y aura trop de règles à respecter. Elles réduiront la différence, celle qui crée la richesse, cette richesse qui est source d'inspiration !
Dans le Jaja de la lune 7c+, Autoire

Es-tu fier de tes voies ?
Je suis surtout fier du nom que je leur donne ! Je ne suis pas un "artiste" de l'équipement, il y a souvent dans mes voies un truc qui ne va pas: point trop bas, trop haut… mais tout le monde s'adapte... Ce doit être pour cela que j'accepte aussi facilement les erreurs d'équipement chez les autres!
Par flemme, je ne nettoie pas tellement mes voies. Et c’est cette même flemme qui m’a couté plusieurs fois de me faire doubler et de rater l’équipement de voies majeures !
Finalement, j'aime quand une voie n'est pas ultra bien équipée. Il faut s'adapter, trouver des bidouilles… c'est pour ça que je reviens rarement sur mes équipements ou ceux des autres, même si j'ai déjà dit oui à des retouches faites par des potes.
J’aurais vraiment été fier si j’avais pu équiper par exemple Endymion à Russan, pour la ligne, Farci par là dans le Verdon pour les mouvements, ou La dérive des incontinents à Buoux, pour le nom !
C’est si important le nom de tes voies ?
J'ai un cahier avec plusieurs centaines de noms. Mais c'est l’état d'esprit du moment qui décide du nom que je vais donner à une voie.
En exclusivité, et puisque tu insistes, je te livre quelques uns de mes noms préférés : heurts de pointes, full compact, scènes de méninges, commedia del arquée, la machine à plastiquer les rêves, bêtas bloquants, pack de crocs, jeanne d'arc, femme au foyer, où ça m'amène l'Eden?, le string minimum, la confrérie du souffle, le général tampon a essuyé de lourdes pertes, les dix courent sur la méthode, le râle après les cris, et surtout la cuvette n'en fécale sa tête!!
Et la cotation, c’est important ?
Bien sûr ! Mais heureusement, elle fait partie d'un tout. Ce qui compte le plus pour moi c’est l’intensité que requiert une voie, les relations humaines au pied d’une falaise, la beauté du paysage, et surtout le fait que l'enfant qui est en moi puisse vraiment s’éclater en grimpant. Et puis je suis dans ma 46eme année, je ne suis pas sur de tenir les prises comme 10 ans en arrière. Comme je sais que je vais régresser, je me suis fait une raison, je ne mise pas tout sur la cotation !



Frater dolorosus 8b+, Autoire

Que ressens tu en grimpant dans tes voies ?
J'ai une "énorme" détermination quand je les travaille, et comme tout le monde peut y aller, ça me booste pour les FA-ter. Je parle alors de grand schelem et de petit schelem ce n’est pas le cas. C’est important la FA, mais si un bon pote l'enchaine avant, je suis comblé.
Je n’ai malheureusement pas pu enchainé toutes mes voies, à cause de certains déménagements, et de la fatigue psychique liée à l'investissement total exigé par certaines, enfin, pour moi !
Ca compte l’avis des autres ?
Oui mais aujourd’hui, je suis dans un endroit où presque personne ne va dans mes voies!
Mais ça m'est déjà arrivé, il y a longtemps. Et à cette époque, c'était plus qu’important, mes voies étaient un sorte de prolongation de ma personne… depuis j'ai trouvé des choses encore bien plus importantes, je relativise plus!
Une voie appartient-elle à son équipeur ?
Non, et à personne en particulier mais plutôt à la communauté. Mais les équipeurs sont tous un peu mégalos. On aspire tous à un peu de reconnaissance…ça commence par trouver son nom dans les topos. Et puis comme ça, on peut aussi savoir sur quoi on va tomber ! Perso, je regarde toujours. Une voie équipée par le blond, JB ou Raboutou, ça le fait ! (ndlr : c'est là qu'on voit qu'on est pas de la même génération !)
Equiper, c’est un acte de grimpeur responsable ?
Oui, mais il n’y a pas de ‘’normalité’’, ni d’obligation. Ni non plus de pensée ou d’éthique unique. La personnalité des uns et des autres ressort au travers de sa propre définition de l'éthique, mais aussi de ses nevroses: il y a ceux qui sont pour ou contre la canne, les traits, les prises taillées, les genouillères, les biscuits, le pré-mousquetonnage, les rallonges etc..
Que penses-tu de ces pratiques ?
Rien à battre…En plus de vingt ans de grimpe, je suis plus gêné par ceux qui les interdisent ou qui les jugent !
Concernant par exemple les voies taillées, elles ont autant de succès que les autres. Le seul acte philosophique que peut se payer le grimpeur, c'est de boycotter les voies avec des prises taillées…mais combien le font réellement ? Les grimpeurs aiment avant tout grimper, tout simplement, alors la taille, c’est un mal pour un bien !
Un autre sujet à la mode, ce sont les connexions et autres variantes... Mais là j’hésite, ça dépend des cas. Pour moi, les connexions doivent se faire sans rajouter de points, pour laisser le plus possible les falaises avec les logiques d'ouverture… pas toujours pas si logique que ça d'ailleurs, mais ce sont les premières.


Frater Dolorosus 8b+, Autoire

Justement, a-t-on un devoir de mémoire ?
Un rééquipement devrait respecter l'ouvreur, mais il peut y avoir des exceptions, en particulier quand on a affaire à des voies faciles, dans une falaise école, là faut pas faire le con! Le Ceou par exemple a plusieurs voies en 5 très mal équipées, je trouve dommage que des débutants ne puissent finalement pas y accéder.
La seule vraie règle en équipement comme en grimpe serait de respecter l'autre, cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant.
Et c’est quoi au juste ce respect ?
Je me suis engueulé une seule fois avec un mec qui était d'une arrogance sans nom. Pas de soucis d'éthique, juste un gars avec un ego énorme. A Autoire, il y a un an, un gars a voulu donner une leçon d'éthique à soso qui se servait d'un caillou pour faire le premier pas, on s'est bien marré.
Respecter un équipeur ce serait de ne pas toucher à ses voies sans concertation, ne pas utiliser de rallonge, ce qui équivaut à modifier l’équipement…A la limite utiliser un chasse mais surtout l’enlever ensuite ! Et puis c’est moche une rallonge au niveau de l’esthétique !
Respecter les grimpeurs serait de les laisser libres, de ne pas les contraindre avec un équipement peu judicieux ou mal adapté…
Sans oublier, que la grimpe ce n’est pas tout dans la vie, il y a tellement plus important !

Les maniaques de la baston 8b, Céou

Pour finir que souhaites tu à Lacuvette ?
Je souhaite que le blog de LaCuvette devienne le site de référence des grenoblois, et que la 20 000eme arrive plus vite que la 10 000eme ! Et surtout qu’elle garde son inspiration, que les mots s'entrechoquent avec toujours autant de grâce et subtilité. N'oublions pas que cette passion qui nous anime aussi folle soit elle, n'est qu'un jeu, et c'est aussi ce que je ressens quand je lis LaCuvette...là aussi on sent une âme d’enfant bien présente !!
Je te laisse maintenant introduire Ludo…
Ludo, j'ai fait sa connaissance en 1992, à l'UCPA dans les calanques, tous les deux BE.
Il pleurait sa bien-aimée qui venait de se barrer, il en parlait tous les jours de cette épreuve… ça m’a ému et je l’ai pris sous mon aile…non je déconne…mais ça a mis en valeur sa formidable capacité a transformer en positif tout ce qui au premier abord amène le contraire !
Sinon, y’a aussi ses pétages de plomb légendaires, après ses régimes sévères, interminables, quand il se met péter un câble et à bouffer tout ce qui traine sur la table, puis sous la table, puis dans le frigo puis... Et puis les discussions interminables pour se mettre d'accord sur le lieu de grimpe du lendemain...ça pouvait durer très longtemps... j'avais souvent le dernier mot, et à force de trainer Ludo dans des voies courtes, il s'est mis à les aimer aussi et à devenir plus que performant! Comme quoi, toujours cette faculté à trouver du bon là où a priori il n’en voyait pas !

Bellevux 8a+, Autoire

Merci Francois pour ses quelques mots...ainsi que pour tout le reste...

dimanche 14 septembre 2008

L'enfer c'est...

C’est Ludo, notre hyper actif du perfo d’ici et d’ailleurs, qui avait déjà suscité quelques réflexions sur le sujet, lançant un caillou dans la mare de la toute petite communauté des équipeurs locaux. Prétextant l’équipement d’un dièdre particulièrement technique, dans un des temples Vertacos mondains, l’Auberge Espagnole, il fomenta tout ce petit monde en baptisant sa création L’enfer c’est les autres, qu’il proposa justement à 7c. Si déjà, au sein d’un petit groupe partageant la même passion, tensions et dissensions divisent et opposent, que devrait-il en être si l’on se prend à extrapoler plus largement ? Au boulot par exemple, c’est ce qui expliquerait pourquoi je reporte régulièrement à mon patron que l’inconvénient majeur dans un projet, c’est d’avoir des collaborateurs, et encore pire si on n’a pas eu l’opportunité de les choisir. Si maintenant on se place à l’échelle d’une société, on ne pourra que constater l’ampleur des dégâts, les ravages de cette évidence : l’enfer c’est bien les autres, tous ces conn… qui nous emmer…. à longueur de journée, ces fardeaux vivants nocifs, ces parasites dont l’inutilité ne fait plus de doute, ces faix oiseux, néfastes au bien être de leur semblables. Oliv s’en exaspère aussi, lorsqu’il affirme avec aplomb qu’il a passé l’âge de faire des concessions, et que de simplement ne plus penser qu’à soi préservera assurément son estomac de tout ulcère. La tolérance n’est qu’un luxe délétère puisqu’elle finit par nous faire accepter de tolérer l’intolérable. La fraternité, droit de tous les hommes ? Mon cul oui… sauf peut-être en période difficile ou, de l’instinct primitif de survie, peut naître un semblant de conscience collective. Et qu’est ce qu’est censée m’apporter cette vaste fumisterie que certains appelle solidarité ? Pour l’instant le privilège de voir taxer mon déjà faible intéressement, durement gagné à la sueur de mon front, ainsi que les intérêts des maigres économies que je comptais pouvoir un jour léguer à mes enfants. Le seul tracas de l’humanité, la cause des tous les fléaux et la raison de notre perte programmée, c’est bien les autres, en particulier ces pauvres conn… qui n’ont rien eu d’autre à foutre de leur vendredi que de vandaliser mon humble demeure. L’unique point positif est de déclarer à Monsieur eb le vol de ma dernière paire de Volwerine, et que sans remplacement rapide je serai contraint de rechausser d’autres chaussons, ceux d’un beau jaune typique au look de rital…
Pour être tranquilles, ne croiser personne et profiter égoïstement d’une falaise pour nous tout seul, rien de mieux que le mur de l’Angoisse, aux Vouillants, un samedi matin à 8h, sous des pluies diluviennes, et avec une température n’atteignant même pas les 10 degrés.

Pendant que le reste des grimpeurs devait se masser au chaud à Planète Bloc, nous jouissions du plaisir de nous retrouver, loin de l’enfer des autres, et de partager d’intenses moments :
dans La croix et la manière, 7c+ incompréhensible et interminable et dans un nouveau 7a de la partie droite (un grand merci à l'ECI, à son président actif et dévoué ainsi qu'à son compère Claude pour avoir réhabilité cette partie de la falaise désaffectée depuis des lustres !!) pour Grandludo ; dans Le devers tue, 7b retord, exigeant et à l’équipement d’un autre temps pour Sylvain; dans Tol Story, l’impressionnant et très formateur à la grimpe en tête 6c(+?) striant le milieu du mur pour Oliv, qui grimpe sans faire de concession ;
et dans le sur-physique mais superbe 8a de la Contrition Humaine pour ma pomme. Contrition dont je n’ai plus que faire puisque je ne connais plus le repentir et je n’aurais jamais plus rien à confesser. J’en suis maintenant pleinement convaincu, définitivement l’enfer ce n’est que les autres...Et comme le prodiguait il y a déjà près de 30 ans, 4 jeunes cheveulus tout de noir vêtus, qui, sans le savoir allaient ecrire une page de l'histoire métal''ique'', kill'em all... et accessoirement 7b (7c+ version directe) haineux à Espace 2000.

dimanche 7 septembre 2008

I have a dream

Comme le déclarait publiquement le roi Luther, "bien que nous devions faire face aux difficultés d'aujourd'hui et de demain, j'ai tout de même un rêve". Ces rêves, pour peu qu’ils restent accessibles, donnent un sens à nos existences futiles, une bouffée d’air à notre morne quotidien. Alors que nos vies défilent plus vite que nous ne pouvons les remplir, il arrive parfois que le temps s’arrête et que se figent quelques instants de grâce. Quelques secondes d’ataraxie, parce qu’à l’image de Jean Jacques…non… pas le roi des dalles de LaCuvette….l’autre…"j’irais au bout de mes rêves".
Cela faisait des années de je passais humblement devant cette ligne, cette grosse colonne grise plate semblant tombée du ciel. La rumeur l’avait affublé du "pfff, laisse tomber, c’est vraiment dur", les quelques rares ayant oser l’affronter racontaient encore aux quatres coins de LaCuvette que la belle ne se laissait pas facilement dompter et n’ont de cesse d’exacerber l’énergie qu’ils y ont laissée. Il y a quelque mois encore, j’avais osé y poser mes mains, mais sans pouvoir me saisir de ses rondeurs, ni tirer partie des ses jolies formes. Elle demeurait un rêve, hors d’atteinte, ,une chasse gardée pour de plus musculeux que moi…et puis… comme par enchantement... Serait-ce l’enseignement de Maitre Francois à Autoire, l’élixir miraculeux de Rioupéroux ou la torture infligée par les créations délicates mais scabreuses de Nico le PB Master ?
Accompagnant Ludo, Sylvain et Jean-Yves pour une soirée sur la première des vires, j’étais sans le savoir en route pour enfin la conquérir : Je t’aime... moi non plus, sévère 7c, d’Espace Comboire…il a fallu toute la puissance des talons de ma vielle paire de eb (qui ne demande pourtant qu’à être remplacée…), une solide dose d’imagination et de conviction pour ce double talon qui permet de tenir ces colonnes et ces plats en compression, jusqu’à la règle finale…sans oublier ce dernier mouvement, ces picots douloureux à saisir en plein vol dans l’ultime mouvement dynamique, sous la chaîne.
Pour se repaitre de ses chimères, Ludo enchainait son premier vrai 7b à vue sur la même vire, Etat d’arrestation avec ses deux mouvements retords qui hantent encore les pires cauchemards de Sylvain. Le voila en route pour une prochaine tentative dans le fameux, le plus que redouté 7b étalon de Lacuvette, L’arme à l’œil…en cas de réussite, il est assuré de rentrer dans les anales des belles perfs de la falaise.

De son coté, Schnappi de nouveau étudiant (..attention, passée la trentaine, ça devient louche…) a du délaisser la culture et les amphis pour lui aussi réaliser un de ses plus vieux rêves : cocher la première de l’intégrale d’une falaise mythique, à l’ampleur démesurée et préservée de travers des prises taillées. C’est également chose faite, comme son rival de toujours dans la quête de la pire bouse, Phildar, puisqu’ils se sont envoyés l’intégrale du secret spot des Brieux. en réalisant la petite dernière, Reality Show, 7c explosif aux prises explosées. Respect messieurs…les connaisseurs apprécieront la perf à sa juste valeur…mais ne se bousculerons surement pas au portillon pour réitérer l'exploit....
Yves a du attendre 65 printemps pour assouvir sa soif d’oisiveté, et enfin profiter d’une retraire bien méritée. Même si l’excitation le fait se disperser et s’éparpiller, il nous a fait le plaisir de se joindre à nous, lors de notre seconde visite à la petite falaise de St Aupre. Encore merci pour ces si beaux essais dans Dulferugineuse 6c et Etron commun 7a

Oliv songe à ce même Etron en guise de premier 7a, mais s’épuise bien avant la chaîne, malgré toute l’ardeur de nos encouragement. Bertrand se déleste du même Etron, tout comme Jean-Yves qui en fera de même avec Crispette un bon coup, 7b bien court mais très intense sur le haut.

Juste avant la pluie, je les imitais dans le surplomb typé bloc (merci PB Master !) et le beau mur gris à croutes d’UF Bouse 7c.
Quant à notre PB master, lui qui aspirait ce jeudi à un contest réussi, il faut comblé par la foule venue en masse, avec en tête de file Sunny et sa tribu qui furent les premiers à cocher ces 40 nouveaux blocs.
J’avais...nous avions...des rêves. Et puis ils se sont renouvelés…