C’était il y a maintenant de nombreuses années. Je n’étais alors qu’un étudiant lunetteux, boutonneux et libidineux parmi tant d’autres. Je débarquai en territoire inconnu, propulsé par une aussi brillante qu’inexplicable réussite scolaire, promis à un bel avenir, dans une ville dont je ne connaissais à peine le nom. Jamais je n’avais pensé avoir à passer la limite de l’extrême nord…du nord Isère…et pourtant…Après un long périple dans une grisaille humide de plus en plus présente et oppressante, j’arrivai enfin sur le Campus de Rouen, une simple valise à la main, dans laquelle j’avais tout de même pris soin de ranger une paire de chaussons. Entre deux averses, je remarquai immédiatement quelques bâtiments qui me permettraient de trouver un peu de réconfort et de chaleur dans cette contrée hostile : l’école de pharma, l’école d’infirmière et l’école de chimie…Malgré toute l’attention que je mettais à scruter l’horizon, cela faisait plusieurs centaines de kilomètres que je contemplai un paysage désespérément plat. Aucune trace de falaise, aucun signe d’existence du moindre bout de caillou, aucune vire suspendue pour me rappeler celle de la maison…le temps allait me paraître désespérément long. A peine mes affaires posées dans le minuscule cagibi qu’on m’avait décrit comme une charmante piaule, et que j’allai devoir partager à plusieurs, je zonais nonchalamment. J’avais l’œil vif et l’air avenant du parfait étudiant qui déambulait sans but dans les couloirs de la fac. A deux pas du gymnase, je remarquai très vite cette trace de poudre blanche, puis cette odeur caractéristique…de vieux eb moisis…il devait y avoir des grimpeurs dans le coin. Non pas des centaines, même pas dix, à peine une poignée : un groupe né de la volonté d’un gourou qu’ils vénéraient encore, alors qu’il les avait abandonnés il y avait plus de 2 ans. Ils l’appelaient Lol, il avait créé de toute pièce un petit club, faisant dont de son corps pour récolter des fonds pour pouvoir se procurer cordes et dégaines et payer les nombreux litres de pétrole nécessaires à la bonne heure de route qui nous séparait de la première falaise : La Roque, dans l’Eure, sur la paisible commune des Andelys… Un caillou fait de craie blanchatre et friable, plus lichéneux et encore moins adhérent que la pire des faces nord de Lacuvette. De gros bombés à trous, quelques silex branlants et un équipement quasi préhistorique. La légende veut que Lol, dans sa première année de grimpe n’eut enchainé que 2 voies, s’acharnant presque quotidiennement sur le superbe surplomb en 7b de L’enfer est à nos portes puis dans la mythique grotte du secteur Spéléo, le 8a de La Mira. Un pas de bloc au départ, pied gauche tendu au niveau des épaules pour rentrer le genou, s’enrouler autour de bras et saisir cette règle très très loin. La suite en toit, les pieds tantôt d’un coté tantôt de l’autre. Sur les traces de cet illustre prédécesseur, je réalisai rapidement l’Enfer ainsi que beaucoup d’autres classique de ce seul secteur grimpable, avant de m’épuiser en vain dans d’interminables séries d’essais dans La Mira.Puis vint mon tour de quitter ce pays lointain pour m’en revenir en pays Lacuvette. De cette époque je garde une épaule surdimensionnée par ce pas bloc physique et un amour insatiable pour tous ces type de trous (mais non… pas ceux des écoles de pharmas, d’infirmières et de chimie…), et spécialement ces monos, pieds à plat qu’il faut remonter bien haut…surement la préhension la plus pures (non… pas pour les écoles de pharmas…) de l’escalade.
Plus de 15 années plus tard, lors d’une paisible séance à Espace Comboire, je tombai nez à nez avec…Lol…en chair et en os. Après de beaux essais dans Sidi, 8a, fidèle à sa légende, je le vis s’acharner dans Pas si simple, 7b. De nombreuses tentatives, de la hargne, de la volonté….mais rien à faire...comme un air de déjà vu, presque une année qu’il s’acharne sur ce simple 7b...l’histoire se répète, avec ce départ ultra bloc et vicieux, qui a vu s’épuiser Martin, Ludo, Jean-Yves, Yves, Bruno, Oliv, Sylvain, Rémy…Et qui a donné des idées à Schnappi qui s’est mis en tête d’égaler le génial ouvreur en équipant un passage du même acabit, dans le même secteur. Ses yeux pétillants et son sourire de sadique en disent long sur le résultat…
Ils étaient tous là ce samedi matin, accourant sur les traces de Lol, ressentant son aura et cherchant le moindre signe de son récent passage. Je profitais de l’attroupement pour venir à bout d’Envoyez les violons prolongés, un challenge de rési en talons et baffes sur une proue particulièrement esthétique qui fleure bon les 7c+. Un test pour enfin pouvoir aller défier LA voie de rési d’Espace, Désirs exacerbés, premier 8a de la falaise, et ses 35 mouvs, tous plus durs les uns que les autres...jusqu'au dernier. Au petit jeu de celui qui tombera le plus haut, je conserve un léger avantage… malhonnête, puisque j’y ai déjà consacré quelques séances… sur les mutants de la force que sont Nico et Marc.
Jean-Yves et Ludo tentèrent de pénétrer dans la légende de la vire en enchainant leur première voie dans cet endroit mythique, nulle part et ailleurs, solide 7c…mais la porte est restée encore une fois solidement fermée.
Dans un autre style, Raymon demeure une légende. En plus d’être le précurseur visionnaire du matos du futur (la perche !!), il le fut aussi pour la grimpe, depuis son plus jeune âge. Aucun caillou de Lacuvette ne peut se vanter de n’avoir jamais été un jour été foulé par cet énergumène toujours enthousiaste et motivé. La première fois que je lui parlais de Rioupéroux, il me rappela qu’en 1960, en partant de Grenoble en vélo, il s’y arrêtait sur la route des l’Oisans l’été pour parfaire son entrainement et ainsi partir confiant à l’assaut des sommets granitiques. Le rocher de l’âne ? C’est lui qui avait planté les premiers clous. La nouvelle falaise déversante de Cannib ? Le repère où il s’entrainait en artif avant d’aller se frotter aux grandes classiques du Gerbier. Le dernier spot à Tamée ? ‘’Ah ca non, je t’arrête tout de suite. Déjà à l’époque, passé Pont en Royans, on ne considérait plus ça comme de la vraie escalade…de la sympathique varappe à mains nues sur colo tout au plus…’’. Et pour son 64eme automne, il s’est encore offert l’une des premières répétitions d’une toute nouvelle ligne dans la paroi rouge à Presles…Bon anniv Raymon !
Et bon anniv Oliv. Toi aussi tu vas rentrer dans la légende…comme Lol, tu t’es promis d’enchainer une seule voie dans l’année…et ce sera un 8a…et cette fois, c’est moi qui aurait l’honneur de t’assurer pour partager cet instant magique
8 commentaires:
Je vois que de la plume et du biceps,rien ne tremble!
Allez,bouge encore,et débrouille toi pour que dans ton prochain article tu es enchainé ce 8a!
le bougre, il est tombé au dernier mouv dans le 8 a. Tout est à refaire, on viendra t'encourager.
bon anniversaire a nos 2 cuvettards; De toute façon la prochaine fois, c'est Yush qui amène le gateau après avoir enchainé son 8a
et voui...vivement samedi prochain...mais je me dois de rectifier, c'est à l'avant dernier mouv que j'ai chu...un peu comme Yves dans le 7b+ du poulpe et Sylvain dans 7b de Phobos. Et c'est Ludo qui va bientôt amener le gato pour son anniversaire !
yes yes pour le gâteau bon ça sera du turron !!! c moins dur à faire !!
au fait yush j'ai déjà pénétré dans la légende de la vire en enchaine le 8a a gauche de ce 7c....+ sur le topo g vérifié !!!
non mais !
bon maintenant on sait d'où te viens ces énormes épaules !!!
bon à samedi pour enfin l'enchainement !
En ce temps là la Roque s'écrivait sans c et Maitre Yush ne posait pas des relais intermédiaires à sa convenance. Mais c'est une autre histoire....
Alors c'est mardi ou jeudi soir que je viens m'incruster sur la vire pour déguster ce gato ?
il est à quoi ce gateau?? la photo de toi dans la Mira fait envie aussi!! c'est où exactement?? françois
La Mira...un des grands regrets dans ma vie...La Roque, sur la commune verdoyante des Andelys, surplombant la Seine et proche du Chateau Gaillard. 60km de Rouen, un peu loin pour la Samedi matin !
Et pour Lol, jeudi prochain (le 08 !)
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