lundi 23 mai 2011

Rendez vous en terre inconnue

Cela va sans dire : le cuvettard est un éternel voyageur, avide de nouveaux horizons, curieux des richesses insoupçonnées des rencontres fortuites. C’est un polyglotte citoyen du monde, un amoureux des peuples, un adepte de la différence en quête d’ailleurs et de civilisations plus humaines. Il est toujours prêt à frotter à de nouvelle culture…avec précaution tout de même, surtout si cela doit se passer dans la suite VIP d’un Sofithel aux Etats-Unis.
Yves, c’est un peu notre Paul Emile Victor. Il nous bassinait depuis belle lurette avec ses récits de sa découverte d’une immense baume perdue aux confins de la frontière nord du pays LaCuvette. Un endroit qui pouvait se vanter de voir encore moins de soleil que notre Lolette et qui serait bordé d’une nationale qui ferait plus de bruit que Voreppe, les Vouillants et Espace Comboire réunis. Il n’en fallait pas moins pour égailler notre curiosité. Et puis, il y a fort longtemps, alors que beaucoup d’entre nous n’étions pas nés, Yves y fêtait ses 60 ans et enchainait ici son premier et toujours unique 7c, Mystic, sur la gauche de la falaise. Direction La Balme donc…qui par le plus grand des hasards, se trouve aussi couchée sur papier glacé dans le magazine qui occupe mes séjours prolongés sur le trône de mes toilettes.
Plus qu’une falaise, nous étions en quête de la rencontre de l’autochtone. Le local ici, répond au nom de balmeux…pire encore le balmeux savoyard. Il est d’un type plutôt grand, sec, musculeux, avec le poil dru et grisonnant. Une sorte de croisement entre Bruno et Oliv…à chacun de faire les rapprochements adéquats…. De prime abord, le balmeux semble sourd et muet car il ne détourne pas la tête sur notre passage. Il ne décroche pas un régard et ne lâche pas un mot. Et surtout pas un « bonjour », qui pourrait être interprété comme un message de bienvenu à l’étranger. Car il n’est pas là pour rire le blameux. Et ses longues ascensions dans les classiques de continuité du secteur, sont d’un ennui mortel pour son assureur, mais en font surtout un maitre incontesté dans cette filière que d’autres ont définitivement bannie de leur vocabulaire. Mais en le cherchant bien , lorsque vous le pousserez dans un ultime retranchement, vous aurez peut-être la chance, comme nous, de percevoir son chant discret et mélodieux. Le balmeux s’exprime par très brèves séquences, jamais guère plus de deux mots à la suite. Lorsqu’il daigne enfin ouvrir la bouche c’est souvent pour lâcher un amical « putain bordel »…pour manifester son agacement à l’égard d’un famille cuvettarde qui se dispute bruyamment la dernière tranche de sauc’ en contrebas, ou encore un « Non, je vais y aller»….comme une réponse mielleuse à quiconque osant lui demander s’il était possible de grimper en utilisant ses dégaines pendouillant dans son projet. Car le balmeux à toujours à projet à la Balme. Il y laisse d’ailleurs ses plus belles dégaines à demeure toute l’année, toutes les voies de gauche ressemblaient à une sorte d’exposition de tout ce qui peut se faire en terme de quincaillerie grimpesque. Le balmeux marque donc son territoire, et l'on n'est pas surpris de découvrir une auréole jaunatre et odorante au pied de sa voie, une pratique visant à éloigner tout autre prétendant. On est bien ici chez lui…mais on n’a pas été invité…
Au grand désespoir de Sylvain, le Balmeux est exclusivement masculin. Ce qui forcément limite sa prolifération pour le plus grand désespoir de… personne donc ! Mais pas de panique, fort heureusement, il existe des balmeux non savoyard, des savoyards non balmeux, voir même des non savoyards non balmeux….bref souvent plein de monde au pied des ces grands mur gris truffés de trous et de colonnettes, au point même de devoir faire la queue dans certaines classiques.
Si l’on vient ici, c’est pour faire du volume, trouver des grandes envolées d’une incroyable homogénéité. S’ouvrent alors deux options radicalement opposées : soit tomber complètement cramé dans du pauvre 3sup, le nez sous les relais… comme Luca, Oliv ou Sylvain dans la voie de Berhault superbe 7b+ dans le style, ou comme Bruno et ma pomme dans le 7c+ juste à droite ou alors comme Yves, dans un passé fort lointain, dans Cathédrale, le 7b+ classique des classique du lieu ; soit courir et se friser sans forcer comme Fabien dans la Berhault, Nico qui la fera à vue et randonnera au premier essai le 7c+ de droite,


ou Eric dans le sus nommé Mystic, 7c. Mais en cherchant bien on peut aussi trouver des sections bien bloc, comme le bombé des cinquantenaires rugissants, un 8a qui nous a donné du fil a retordre avec Nico ou bien dans quelques une des nouvelles voies plus faciles, le 7a+ de l’extrême droite ou les 7a courts et explosifs du centre de la falaise, pour Lucien et Yves…qui fêtait en ce jour ses 68 printemps…en pleine fleur de l’âge et bientôt prêt a faire l’intégrale de Cathédrale, son futur deuxième 7c…et l’occasion pour nous de tenter de renouer le contact avec quelques chaleureux balmeux…
Même la famille JMC est partie changer d’air…en explorant la jungle vertacorienne limitrophe de la taupinière, ou en se prélassant sur le caillou chaud de la plage. Quant à nos frontaliers de LaCombe, ils ont poussé jusqu’au pays oublié de la technique qui arque fort et qui fait fumer les pieds : Mouriès.
Et comment parler de dépaysement sans évoquer Parves. Un monument de falaise érigée par les Ducs, avec un tout nouveau secteur La Navire sur lequel nous étions partis naviguer avec Michel en beau milieu de semaine. Un travail de titan, un chantier de l’atlantique grandeur nature pour aménager une vire et ouvrir 6 lignes oscillants entre le 6c+/7a et le 7a+/7b, plutôt en dalle exigeante sur rondeurs pour Roc fort, Nain sistez pas et Non man’s land sur la gauche et plutôt en conti sur un beau caillou gris concrétionné et travaillé sur la droite avec L’inconnue, Canons de sauvetage et Hissez haut.
Mais il est l'heure de rejoindre le port, de poser son paquetage et de reprendre les affaires quotidiennes...

dimanche 8 mai 2011

On the road

Encore, encore…Même s’ils ne sont plus tous jeunes, ils n’en demeurent pas moins larges d’épaules. Même si la route est droite, la pente est raide. Et c’est ainsi qu’en ce printemps 2011, Jean-Yves et Bruno ont fait leur entrée dans le club très fermé des grimpeurs les plus forts du monde…non octogradistes... avec leur enchaînement, à quelques jours d’intervalle d’un chef d’œuvre de rési bien homogène, sur les grands murs gris à trous et rondeurs de Crossey 3, Le 8ème art, 7c+. Soit leur tout premier dans ce niveau, à tous les deux.
De quoi asseoir Yves et Sylvain qui avaient pensé faire une sortie plus rentable du coté de St Pancrasse, dont personne n’eut d’écho d’ailleurs. A ce propos, ces deux là semblent avoir disparus de la circulation, ne sachant plus quelle excuse trouver pour n’avoir pas fait partie du cortège d’encouragements qui nous valu, avec Oliv, d’être aphone pendant plus de trois jours.
Il est vrai qu’Yves était déjà sous le choc de la dernière sortie cycliste de Bruno avec ses 110km au travers de tous les cols les plus raides de la Chartreuses. Là encore, Mr inoxydable sait se montrer redoutablement rodé à ce type d’effort, devançant de beaucoup la plupart de ses prétendants. Quant à Sylvain, depuis qu’il a fait exploser le serveur de Meetic, forcément, il devient plus difficile de le sortir du lit le samedi matin, à 6h30. Mais quelle idée de glisser en légende de toutes ses sublimes photos dans Ze Topo : « Sylvain D., beau et riche célibataire, disposé aux aventures les plus folles »…et suivi de son numéro de téléphone. Nous aurions du faire jouer la censure LaCuvette….mais bon, trop tard, le coup, si l’on peut dire, est déjà parti…
Mais revenons à nos deux héros du mois. Bruno, fidèle à lui-même qui entamait une montée de repérage qu’il randonna littéralement…en moul’. En redescendant il lâcha un innocent « Ah, c’est marrant je me souvenais d’un truc extrême quand on avait essayé avec Ludo ». Mais oui, c’était avant que Ludo ne débute ses chantiers de bétons pharaoniques…depuis ces temps reculés, de l’eau a coulé sous les ponts. Et puis, la fin de séance arrivant, à force d’assurer un sumo en train de saucissonner dans un pauvre projet plus à droite, voila que j’entendis la traditionnelle fougue de mon Mister inoxydable. « Bon, je vais remonter une fois en moul repérer le haut, avant de rentrer et faire mes 350km de vélo ». Et là mon sang ne fit qu’un tour, je dus sortir mes plus belles tirades pour signifier un sincère atterrement. Et, feignant de me vautrer j’embarquais la corde dans ma chute…j’avais le coccyx demis, mais au moins la corde était tirée…Et voilà mon Bruno contraint de s’encorder, de faire crisser ces chaussons et de partir pour un effort de longue haleine comme il en a le secret. 30m en plus de 30min, soit moins d’1mètre à la minute. Une ascension à décorner les bœufs, en prenant un repos à chaque mouvement.A peine le temps pour moi de finir mon piquenique, de relire l’intégrale des guerres et paix et de passer une dizaine de coups de fil pour le boulot, que Bruno était en train de clipper le relais à grand coup de « j’y crois pas, j’y croix pas, j’y crois pas »….
Et ben si, et il va falloir commencer à t’y faire, car je sens que ce n’est que le début…
Une semaine plus tard, même heure, même falaise…et même absence d’Yves et Sylvain surement pour cause de vélo d’appartement pour l’un et de sport en chambre pour l’autre. Remonté par le succès de son ainé, Jean-Yves hésita entre se lancer de nouveau dans la voie ou coller aux basques de Bruno en essayant leur prochain 7c+ sur la liste, Persiste et signe, un peu plus a gauche, dans un style plus à doigt et plus dalleux. Encore une fois, tout un attirail de tirades de mauvaises fois pour le remettre sur le droit chemin. Et le voilà parti pour son 2ème essai.
Et quel fut ma surprise encore lorsqu’à partir du milieu de la voie, je l’entendis sangloter « Maman, j’suis complètement pété, j’en ai marre, viens me chercher, je veux rentrer à la maison ». Mais rien de telle que sa bonne vieille tata pour remonter le moral. Un gros câlin et ça repart !! Et voilà pour le deuxième…
La route vers le 8a est donc belle est bien ouverte…enfin, pour qui veut bien se donner la peine de l’emprunter !