jeudi 5 août 2010

Changement de rythme

C’est un peu ce qui fait le charme de notre brève existence. Une alternance de coups de speed et d’instants de zénitude ne laissant pas de place à la routine. La course de l’année scolaire, des projets à boucler à l’heure des congés, puis les premiers jours de glandouille sous le parasol bien ancré dans le sable de la plage. L’homme n’est pas robot…mis à part quelques anomalies comme ces machines qui ne connaissent ni la fatigue, ni la faim, ni la peur...Oliv par exemple qui inlassablement lèvera sa tonne de fonte hebdomadaire, FT qui croitera plus de voies dans la semaine que l’ensemble des cuvettards réunis dans plusieurs vies, ou encore Iaki qui comprendra le manuel complet d’utilisation de son dernier logiciel de montage vidéo plus vite que moi pour saisir les subtilités d'une blague carambar.
C’est pareil dans le sport. Enfin ça en a tout l’air. C’est frappant comme un grand rendez vous sportif peut en balayer un autre, avec des agents de communication de fédérations qui se suivent mais ne se ressemblent pas. C’est tout naturellement qu’on se félicitera de nos athlètes talentueux, sortis du chapeau et pour qui Carl Lewis aurait inventé le 501 au 18eme siècle, mais qui portent haut et fort les vertues de l’esprit d’équipe et clament leur volonté farouche de réussir et leur fierté de porter les couleurs de la nation. J’en ai même oublié qu’il avait existé d’autres bleus bien moins représentants du peuple, quelques semaines auparavant.
La grimpe est un peu une l’image de la vie. La monotonie des longues voies de conti ne devrait pas exister. Sur des profils parfaitement réguliers, on trouvera toujours à varier les styles et les ambiances. Un peu comme ce petit mur sous exploité de Crossey 3. A première vue, 30 mètres de dalle, rien que de la dalle…

Mais en y regardant de plus près on s’adonnera aux joies de la grimpe mono-bi, pied à plat en rocher éternellement poussiéreux. On s’aventurera dans une section technique sur crépis et règles bien à doigt avant de finir avec une bonne dose de rési jusqu'à relais. 3 petites nouvelles voies plus une variante, complétant les 2 lignes déjà existantes, FA-tées bien à l’ombre de longues soirées d’été en compagnie d’Oliv, Michel et Sylvain : les naufragés 7a+ et 7b+ en version sortie directe, L’eau de là, 7c et Last day of humidity, 8a. A noter aussi des nouveaux points dans le pilier évident du secteur classique. La directe très esthétique de la sortie de droite des orbes fatales, qui vaut bien son 7c+ bien tassé, Désordre fatal. Fabuleux.
Plus de détails dans la rubrique TOPO !!
A chacune de mes visites en pays Lotois, c’est toujours le même choc. La claque du contraste entre l’agitation urbaine des falaises de LaCuvette et le calme olympien de ces cailloux disséminés un peu partout sur le Causse. Ici, pas question de sauter un repas pour taper des essais au dessus du parking des Vouillants, humant les effluves du centre de collecte des ordures de la ville. La pause de midi est une institution, on viendrait même jusqu’au pied des secteurs rien que pour déplier la nappe et poser les paniers garnis, à l’ombre de la grotte. C’est comme s’ils avaient toujours été là, depuis plusieurs millions d’années, Jean Pierre, Laurent, Romain, Lionel, et surement plein d’autres encore. On dépose soigneusement et proprement le gros matériel (vas y Raymond, tu peux pomper, on pille l’idée et on déposera de brevet)

Et vas y que je te sors ma grosse saucisse…de canard bien évidemment…, que je te tartine la baguette….d’un bon pâté, que tu ne partiras pas avant d’avoir gouté à mon magret séché, et que tu resteras sagement assis tant que t’auras pas fini ta tranchounette de Cantal que j’ai spécialement affiné pour toi….Plutôt que d’imiter sagement Soso, je décidai d’aller essuyer mes doigts bien gras sur les prises de l’Apocalypse joyeuse.

Une fantastique traversée physique, issue de la folie tordue du grand FT, comme l’intégralité de ce charmant petit secteur dominant Autoire, le passage se crée. Mais comme la règle du crux centrale glissait vraiment trop, j’entrepris de contourner astucieusement les difficultés par le haut…mais pas de chance, Iaki’lperg avait déjà tout mis dans la boite (lire son texte d’introduction sur le blog marivalois, avant de visionner les images)


escalade: sur les traces de Patriste Déglinguer from iaki on Vimeo.


Autoire est la falaise type du changement de rythme, mais aussi celle de la scarification assurée pour touristes entreprenants.
A peine 20 mètres, toujours une première partie bien rési sur grosses colos et draperies démesurées pour finir par buter sur un toit court aux reliefs nettement moins sculptés. En résulte un final souvent bien bloc, très physique ou très à doigt, un cocktail détonnant, surtout après un début de journée bien rempli.
En pleine digestion, je rejoignais Cyril, en bien plus grande forme que moi, dans Requiem pour Gorby 7c puis dans Chauchemarrant, un 7c+ pour lequel je cherche encore comment il est possible detenir les prises du départ.
Entre deux voies, Raph, jeune breton de passage, trainant avec lui une espace de bruinasse humide, se frotta avec succès après de valeureux essais, à une récente œuvre FT-ienne, Sombre Parfum, superbe et esthétique 8a en plein centre du mur. Un pas de bloc bien à doigt pour démarrer, tout en dynamique et coordination
et une fin en toit redoutable, avec là encore un genou salvateur.
Après avoir échangé quelques mots autour de la grimpe fest-noz et de l’effet dopant du kouign-amann, je m’aperçus que je pouvais pratiquement être son grand-père. Je vous laisse imaginer sa tête lorsqu’il découvrit mon Mimichouchou, parlant de geai qui ricane et de pie qui pète, avant de se préparer à faire son gros Caca… sur image…. Non, pas d’inquiétude, je ne parle que d’un joli 6c+ aux multiples ambiances
et d’une sympathique connexion tapant dans les 7c.
Comme Papy fit de la résistance, nous sommes ensuite allés nous retourner les doigts dans le crux spécialement complexe des Verts et des pas murs, 7c encore.
Puis, avant de retourner à l’hospice, un petit tour du coté du très beau secteur de la vire, en compagnie de toujours jeune Iaki. En plus d’être hyperactif, monsieur est esthète. Son bon gout nous proposa une très agréable mise en bouche sur trous et grosses colos, le minet sauta, 6c+,

avant un excellent plat de rési en 7b+, Léon. Une trentaine de mouvements, d’abord un crux bien à doigt, puis des trous et encore des colos, et une fin de parcours exigeante sur une série de règles bien plates. Superbe, et… presqu’un poil trop court finalement !!.
Mais à force de faire le djeuns dans ces profils modernes, on en oublierait presque les conseils des anciens. Je montais dans une ligne lubrique de François, répondant au doux nom du Syndrome Ravaillac 7c… amalgame possible avec d'eventuelles tendances masochistes ?
Mais impossible de laisser ma grâce pleinement s’exprimer dans ce pas de bloc du départ, écartelé entre une fine colo intenable (lapalissade…) main droite et une croute verticale bien trop lointaine mais gauche et tout aussi intenable…C’est là que j’entendis alors la voix de la sagesse provenant de mon assureur grisonnant : "Rentre le genou et pose une grosse lolotte sur le bec pied gauche". La voix de la honte oui !! Après bien des échecs je finis par céder dans la facilité. A la dixième tentative et surtout à la limite de la dislocation du genou je tombai enfin sur cette verticale et enquillai sans tarder le mouvement suivant... mais que les cuvettards se rassurent, l’honneur est sauf, sur les images du ralenti, on ne distingue qu’une discrète esquisse de quart externe !!.
Mais pour laver cet affront, je repartis dans la voie, tout de face, mais en shuntant complètement le départ, 2m à gauche sur une ligne de trous évidente, pour ensuite rejoindre la colo médiane. Le syndrome cuvettard en somme…un truc qui doit taper dans les 7b mais qui a surtout cela de jouissif : piquer une première à FT, une variante d’une de ces voies, et quand il n’est pas là…A dream come true, rien n’est impossible, I want to believe, et maintenant, que vais-je faire….
Mais l’histoire retiendra plutot que l’art de grimpe de Lotois se conjugue à plusieurs, se consomme sans modération, et surtout, conserve… même si mon Mimichouchou, dans son essai qui aurait du être le bon, trouva le moyen d’oublier la méthode qu’il venait de caler 5 minutes plus tôt, préférant une option de sumo bien hasardeuse….